Aujourd'hui à la BnF…
Déprime. Si, si, c'est possible. Même en Rez-de-Jardin, pourtant l’endroit sur terre le plus proche de l’Eden. Faut dire que mon évasion ratée d’hier m’a laissé un peu KO. Et puis, au Café des temps, ils étaient à court de salade aoste aujourd'hui.
Alors, en hommage à mon idole des jours sombres, le joyeux Hubert-Félix Thiéfaine, je me suis permis d’adapter Alligators 427 à notre univers. Qu’il m’excuse du sacrilège, mais ça m’a aidé à retrouver le mood indigo du Rez-de-Jardin.
(pour les paroles et la chanson originales, voir à la fin)
Escalators 427
(à chanter à tue-tête du vestiaire à la banque d’accueil)
Escalators 427
Aux traits de néon et d’argent
Vous m’emmenez vers ma planète.
Je vous descends.
Sur cet escalier hypnotique
Qui draine tant de doctorants
J’ai vomi ma problématique.
Je vous descends.
Je sais que vous bouffez du thésard à midi
Et que vous concassez nos pauvres os pourris.
Vos déroulantes marches me sont dents de harpie.
Moi je vous dis bravo et vive Jstor !
Escalators 427
Double rampe têtue, clopinant
Je rêve qu’un jour tout s’arrête.
Je vous descends.
Dans cet étrange antre social
De parisiens monosapiens
dotés de cerveaux cannibales.
Je vous descends.
Et les vieilles reliures, même raccommodées,
Y aura jamais assez de sujets pour tout le monde
Le gibier pour thésards sera bientôt épuisé.
Moi je vous dis bravo et vive Jstor !
Escalators 427
Aux longues parois de ciment
J’ouv’ mon ordi, chausse mes lunettes.
Je vous descends.
Je veux une place en V demain.
Je sais que c'est complet, mais plus rien ne m’arrête,
J’ai le routard du BnF malin.
Je vous descends.
Et j'attends que vos quatre tours soient effondrées.
J'ai raté l’incendie de celle d’Alexandrie.
J'espère que tous vos livres seront numérisés.
Moi je vous dis bravo et vive Jstor !
Escalators 427
Au flanc plastique et transparent,
Je tremble du corps et de la tête.
Je vous descends.
Le lecteur au parvis fait la queue
Et tend sa carte d’adhérent
Pour voir l’Eden aux matins bleus.
Je vous descends.
J'entends grincer les dents des bibliothécaires
Et je vois les agents sortir des banques d’accueil
Pour venir torturer les doctorants précaires.
Moi je vous dis bravo et vive Jstor !
Escalators 427
Aux râles gras et cliquetants,
De Galaxie j’attends les miettes.
Je vous descends.
Le coup porté par mon jury,
(Rapport de soutenance trop sec)
Va pas trop m’aider dans la vie.
Je vous descends.
Sur vos marches rayées qui font tourner l’enfer,
Je cherche un nouveau job pour ma métempsychose.
Je sais que désormais je n’aurai plus d’ATER.
Moi je vous dis bravo et vive Jstor !
Escalators 427
Au cerveau mou et délirant,
Il est temps de se mettre une tête.
Je vous descends.
Vous avez bien du bon pinard ?
J’ai le pot de thèse pathétique :
Ensemble on va boire aux déboires.
Je vous attends.
Je sais que, désormais, ma vie cours à rebours.
Sans thèse que ferai-je ? Fini le doctorant !
Tant pis les gars, je reste : Rez-de-Jardin toujours !
Moi je vous dis bravo et vive Jstor !
La chanson originale :
Et son texte :
Alligators 427
Aux ailes de cachemire safran,
Je grille ma dernière cigarette.
Je vous attends.
Sur cette autoroute hystérique
Qui nous conduit chez les mutants,
J'ai troqué mon coeur contre une trique.
Je vous attends.
Je sais que vous avez la beauté destructive
Et le sourire vainqueur jusqu'au dernier soupir.
Je sais que vos mâchoires distillent l'agonie.
Moi je vous dis : "bravo" et "vive la mort !"
Alligators 427
À la queue de zinc et de sang,
Je m'tape une petite reniflette.
Je vous attends.
Dans cet étrange carnaval
On a vendu l'homo sapiens
Pour racheter du Neandertal.
Je vous attends.
Et les manufactures ont beau se recycler,
Y aura jamais assez de morphine pour tout le monde,
Surtout qu'à ce qu'on dit, vous aimez faire durer.
Moi je vous dis : "bravo" et "vive la mort !"
Alligators 427
Aux longs regards phosphorescents,
Je mouche mon nez, remonte mes chaussettes.
Je vous attends.
Et je bloque mes lendemains.
Je sais que les mouches s'apprêtent,
Autour des tables du festin.
Je vous attends.
Et j'attends que se dressent vos prochains charniers.
J'ai raté l'autre guerre pour la photographie.
J'espère que vos macchabées seront bien faisandés.
Moi je vous dis : "bravo" et "vive la mort !"
Alligators 427
Aux crocs venimeux et gluants,
Je donne un coup de brosse à mon squelette.
Je vous attends.
L'idiot du village fait la queue
Et tend sa carte d'adhérent
Pour prendre place dans le grand feu.
Je vous attends.
J'entends siffler le vent au-dessus des calvaires
Et je vois les vampires sortir de leurs cercueils
Pour venir saluer les anges nucléaires.
Moi je vous dis : "bravo" et "vive la mort !"
Alligators 427
Aux griffes d'or et de diamant,
Je sais que la ciguë est prête.
Je vous attends.
Je sais que dans votre alchimie,
L'atome ça vaut des travellers chèques
Et ça suffit comme alibi.
Je vous attends.
A l'ombre de vos centrales, je crache mon cancer.
Je cherche un nouveau nom pour ma métamorphose.
Je sais que mes enfants s'appelleront vers de terre.
Moi je vous dis : "bravo" et "vive la mort !"
Alligators 427
Au cerveau de jaspe et d'argent,
Il est temps de sonner la fête.
Je vous attends.
Vous avez le goût du grand art
Et sur mon compteur électrique,
J'ai le portrait du prince-ringard.
Je vous attends.
Je sais que, désormais, vivre est un calembour.
La mort est devenue un état permanent.
Le monde est aux fantômes, aux hyènes et aux vautours.
Moi je vous dis : "bravo" et "vive la mort !"